Le but de cet article est de vous donner un aperçu de solutions innovantes et de l’intérêt du végétal pour la transition écologique dans le secteur du bâtiment.

Soyons réaliste : l’objectif de neutralité carbone en 2050 est inatteignable sans une rénovation massive du parc immobilier existant, d’autant qu’il vaut mieux, d’un point de vue impact environnemental, réhabiliter plutôt que détruire ou empiéter sur des terrains non bâtis, voire fertiles, pour construire. Et il y a de quoi faire, notamment dans les cœurs de ville.

L’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie) rappelle que le secteur du bâtiment représente 24 % de l’empreinte environnementale en France et que 44 % de la consommation énergétique française est due au parc immobilier. La réduction de la consommation d’énergie, l’amélioration de l’efficacité énergétique et l’utilisation de dispositifs produisant de l’énergie renouvelable constituent donc des cibles prioritaires. Cependant il y a un risque probable d’effet rebond avec l’augmentation immodérée de la consommation d’énergie engendrée par le développement et l’amélioration de ces solutions et l’utilisation croissante d’objets connectés et autres nouveaux services énergivores.

Nous ne manquons pas d’idées pour adapter nos bâtiments aux enjeux environnementaux

Au-delà de celles communément connues et déjà utilisées, il existe d’autres solutions pertinentes, certaines un peu plus complexes à mettre en œuvre et d’autres que l’on redécouvre :

  • Le mur trombe, qui est un système de chauffage solaire passif avec un mur sombre exposé au soleil associé à un vitrage, permettant d’absorber la chaleur le jour pour la restituer la nuit, breveté en 1881, oublié puis expérimenté entre 1950 et 1970,
  • La fenêtre à effet pariétodynamique, qui est à triple vitrage, optimisant l’isolation et le captage de l’énergie solaire avec de l’air circulant entre les verres,
  • Les panneaux solaires hybrides ou aérovoltaïques, produisant de la chaleur et de l’électricité,
  • Les toitures biosolaires combinant des panneaux photovoltaïques et la végétalisation, celle-ci refroidissant les panneaux en période de forte chaleur et donc améliorant le rendement et ces derniers apportant en même temps de l’ombre aux végétaux,
  • La récupération de la chaleur fatale produite par les activités menées dans le bâtiment ou d’un autre à proximité,
  • Le stockage de chaleur l’été à 4-5 m de profondeur sous le bâtiment pour la restituer l’hiver,
  • La récupération de l’air vicié, chargé de CO2, en provenance des usagers, pour favoriser la croissance de plantes comestibles installées sur le toit sous une verrière ou une serre.
  • Une meilleure exploitation des m² construits, comme par exemple, l’utilisation de parkings des sociétés en soirée et le WE pour des évènements organisés par les villes ou autres collectivités ou la mise en place, dans l’habitat collectif, de pièces communes pour des usages ponctuels, comme une chambre d’amis avec salle d’eau ou une laverie,
  • Le développement de bâtiments hybrides, permettant de transformer des bureaux en logements ou inversement.
  • Etc.

 

Focus sur l’isolation thermique

Le challenge pour l’avenir va être non seulement de s’isoler du froid, pour réduire la consommation d’énergie, mais aussi et surtout de s’isoler du chaud en période de canicule, sans s’équiper de climatiseurs, qui, au-delà du bruit et l’aspect inesthétique sur les façades, rejettent de l’air chaud à l’extérieur et aussi des gaz fluorés à fort potentiel de réchauffement global et donc empirent la situation dans les îlots de chaleur urbains et contribuent au réchauffement climatique. Des solutions existent d’ors et déjà :

  • La végétalisation des cours intérieures et des toitures mais, pour ce dernier cas, ce sont surtout les derniers étages qui bénéficient du phénomène d’évapotranspiration des plantes,
  • La végétalisation des murs avec des plantes grimpantes plantées en pleine terre, la solution de mur végétal avec un mélange d’espèces sur un support tissé étant à restreindre pour des raisons de coûts de maintenance et de consommation d’eau,
  • Le rafraichissement naturel avec les conduits de cheminée du bâti ancien, appelée cheminée solaire, thermique ou provençale, à privilégier à la pose de VMC simple et double flux, souvent très mal entretenues et pouvant alors générer des pathologies,
  • La construction bioclimatique, qui prend en compte l’orientation du bâti, avec des ouvertures traversantes, le sens des vents dominants et les apports solaires,
  • Le choix des matériaux de préférence biosourcés (fabriqués avec des fibres végétales) ayant de bonnes performances thermiques (isolation hygrothermique, inertie thermique, déphasage thermique…)
  • L’utilisation de solutions à base de terre crue, mélangée avec des fibres végétales, qui ont été beaucoup utilisées dans le passé comme le torchis en France et l’adobe notamment en Espagne, mais dont le savoir-faire a pratiquement été oublié.

Utiliser des matériaux biosourcés pour la construction et l’isolation thermique et acoustique permet de moins consommer d’énergie, notamment lors de la fabrication, qu’avec des solutions conventionnelles. Par exemple, pour l’isolation murale, la laine de roche de forte densité représente 21 kg CO2e/m² pour R = 5 m².K/W alors que le panneau de laine de chanvre est à 0 kg CO2e/m² pour la même résistance et la balle de riz en vrac, à – 40 kg CO2e/m² (source : Tout savoir sur l’isolation écologique – N° spécial La maison écologique 2019). La laine de bois, de chanvre ou de lin, la paille ont le mérite de provenir, pour la plupart, de nos régions, contrairement à la matière première utilisée pour le polystyrène expansé ou extrudé, le polyuréthane, etc. Le béton de chanvre est un bon exemple de matériaux qui permet de garder la fraicheur en été, grâce à ses propriétés hygrothermiques. Un véritable confort est ressenti par les usagers. Cependant, nous manquons sérieusement d’artisans formés à la pose de ces matériaux. Beaucoup ne connaissent même pas leurs performances ! Un gros effort de développement d’outils gratuits d’apprentissage (45 guides, plusieurs MOOC Bâtiment durable, des vidéos, 28 calepins de chantier, etc.) a été réalisé dans le cadre du programme PACTE qui a duré de 5 ans et qui vient de se terminer www.programmepacte.fr

L’utilisation de ces matériaux permet aussi de stocker pendant plusieurs décennies le carbone biogénique (produit par des organismes vivants) provenant du gaz carbonique de l’atmosphère. Toute forme de stockage de ce carbone d’origine organique constitue un puit de carbone éligible au nouveau label bas carbone national du MTES (Décret et arrêté du Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire datant du 28/11/18 et publiés officiellement le 23/04/19). Il est donc possible de valoriser ce carbone stocké en créant un marché avec les émetteurs de gaz à effet de serre souhaitant réduire puis compenser volontairement leur empreinte carbone inéluctable. Néanmoins cette démarche de labellisation va mettre du temps à se développer, la méthodologie de comptabilisation de ce carbone étant, au préalable, à établir de façon fiable et à valider par des experts.

 

L’importance de la proximité du végétal…

Une forte majorité des citadins souhaitent avoir un contact quotidien avec la nature. C’est même essentiel pour notre équilibre, puisque des études confirment les effets thérapeutiques d’espaces végétalisés, même à l’intérieur, lorsqu’une population est soumise à un stress. Dépourvue de grands parcs intra-muros, Paris affiche un ratio de nature par habitant inférieur de moitié aux 10 m² prescrits par l’OMS, même si la ville fait réellement des efforts pour améliorer la situation. L’équité serait que chaque citadin ait accès à un espace vert à une distance raisonnable, voire visible de sa fenêtre, or c’est de moins en moins le cas avec la densification des villes. Des règles d’urbanisme devraient davantage être imposées lors du renouvellement du PLU pour des constructions ou des réhabilitations avec des espaces aménagés au sol plantés en pleine terre, voire sur des terrasses et des toits qui seraient accessibles aux usagers du bâtiment. N’oublions pas qu’un patrimoine végétalisé a plus de valeur monétaire sur le marché immobilier (idem pour un bâtiment bien isolé).

 

Est-ce que le bâtiment high tech est réellement une solution d’avenir ?

Enfin, la tendance est à la construction intelligente dite « Smart building », truffée de capteurs. Même si les logements et les bureaux sont équipés de moyens permettant de limiter la consommation d’énergie, cette démarche doit impérativement être accompagnée par une évolution du comportement des usagers. Lors de la livraison d’un bâtiment neuf ou rénové, il faudrait systématiquement une formation pour expliquer comment optimiser les performances du bâtiment pour en réduire les frais de fonctionnement tout en ayant aussi un comportement écoresponsable. Cette formation devrait être renouvelée pour chaque nouveau propriétaire ou locataire, pour ne pas perdre les bons gestes.

Mais est-ce que ce sont vraiment des solutions pérennes quand on voit la vitesse d’évolution des technologies du numérique, voire leur obsolescence croissante, alors que les bâtiments sont sensés durer au moins 50 ans ? Ne vaudrait-il pas mieux viser des solutions low tech, qui souvent ont déjà fait leurs preuves dans le passé, mais que l’on a oubliées et qui ont le mérite de ne pas consommer d’énergie en exploitation. Car ne perdons pas de vue que le secteur du numérique a dépassé le secteur de l’aéronautique additionné avec celui du transport maritime en termes d’émissions de CO2, sans parler de notre dépendance aux terres rares et autres minerais dont les ressources se réduisent drastiquement (gisements de plus en plus difficiles à exploiter et dispersion dans des produits non recyclés). 

Toutes ces évolutions technologiques ne doivent pas néanmoins entrainer une surconsommation d’énergie sous prétexte de compensation avec le développement des énergies renouvelables. La sobriété est absolument à promouvoir dans nos comportements pour réduire cette consommation irraisonnable de matière et d’énergie afin de limiter le réchauffement climatique.