La compensation carbone fait l’objet de vifs débats car, pour ses détracteurs, elle s’apparente à une autorisation de polluer. Elle concerne essentiellement les secteurs industriels qui émettent beaucoup d’émissions de Gaz à Effet de Serre (GES), comme les producteurs d’énergie, les cimenteries, les aciéries, etc. Ils ont l’obligation de financer en contrepartie des projets dans des pays en développement, comme la plantation d’arbres dans les pays tropicaux, en passant par des organismes internationaux de certification, plus ou moins complexes. C’est également possible, pour ceux qui ne sont pas concernés par cette obligation, de compenser volontairement en finançant des projets dans ces pays… et aussi depuis quelques années en France, même en tant que particulier ! Cette démarche volontaire permet de financer des projets vertueux comme le (re)boisement, le retour du bocage dans nos campagnes, le développement de l’agroforesterie…
Mais, avant de compenser, la démarche à avoir est de réduire significativement l’empreinte carbone de ses activités :
– En utilisant des sources d’énergie moins impactantes pour l’environnement et en réduisant sa consommation pour le chauffage, le rafraichissement, l’eau chaude et aussi pour les autres usages (électroménagers, éclairages, autres équipements électriques et électroniques, ascenseurs, etc.). Même les bâtiments à Haute Performance Energétique nécessitent d’adapter nos comportements en fonction des apports solaires, de la température extérieure et de la qualité de l’air. De même, privilégier l’accès à la lumière naturelle et l’usage des escaliers (pas toujours bien indiqués !) contribue à réduire la consommation d’énergie.
– En utilisant des modes de transports moins énergivores et en réduisant ses déplacements en voiture, sachant que plus de 50 % des trajets font moins de 3 km, très souvent sans passagers (moyenne de 1,1 passager en Ile-de-France). Une voiture contient en moyenne 1,3 à 1,5 tonne de matériaux, voire plus avec l’engouement pour les SUV, soit une augmentation de 70 % du poids en 60 ans, pour transporter souvent une seule personne d’environ 70 kg allant à son travail, ce qui donne un rapport de 20/1 !
– En consommant des produits fabriqués localement pour limiter les transports de marchandises et contribuer à l’économie locale,
– En limitant la consommation :
- d’eau potable et en utilisant les eaux grises pour d’autres usages comme les WC, voire le jardin après filtration.
- de matières premières et en prolongeant la durée de vie des produits,
- de données numériques, alors qu’elles explosent de nos jours avec notamment les messages avec des pièces attachées, les vidéos sur Internet, l’intelligence artificielle, etc., qui générent entre autres une forte consommation d’énergie avec les réseaux et les data centers.
– Plus globalement, en visant la sobriété et l’efficacité énergétique à tout niveau…
Les mouvements de la décroissance et de la collapsologie (étude de l’effondrement de la civilisation industrielle) font aussi de plus en plus l’objet de débats. Nous ne pouvons pas arrêter toutes nos activités sous prétexte qu’elles émettent des GES dans l’atmosphère, mais chercher à les atténuer. N’oublions pas que, nous-mêmes, nous émettons 300 kg CO2/an/habitant en expirant. En faisant un rapprochement avec l’empreinte carbone d’un logement, c’est l’équivalent d’un studio de 20 m², qui donc émettrait 15 kgCO2e/m²/an (étiquette C du Diagnostic de Performance Energétique (DPE) en émissions de GES) et qui consommerait 215 kWhEP/m²/an avec un chauffage électrique (étiquette D en énergie avec le facteur 2,58 pour le calcul en Energie Primaire). Mais notre empreinte carbone avec nos dépenses est bien plus importante avec 11,2 tCO2e/habitant en France en 2018, avec une augmentation de 7 % depuis 1995. C’est l’équivalent de plus de 37 studios ou un immeuble de 750 m² !
Pour compenser, après réduction, la quantité incompressible d’émissions de GES liées à nos activités et modes de vie, nous avons donc 2 marchés distincts : le marché obligatoire et le marché volontaire.
Le marché obligatoire de la compensation carbone peut aider à financer nos travaux d’économies d’énergie en France
Comme déjà précisé ci-dessus, plusieurs secteurs de l’industrie, dont celui des énergies fossiles, sont concernés par ce marché obligatoire. La réglementation française impose à nos fournisseurs d’énergie de compenser leurs émissions de GES en finançant des travaux de réduction de consommation d’énergie, pour les particuliers et aussi pour les entreprises et les collectivités. Bien qu’ils existent depuis mi-2005 (loi POPE), peu de personnes savent qu’elles peuvent recourir aux Certificats d’Economies d’Energie (CEE) qui permettent d’obtenir une participation aux frais d’isolation thermique, de ventilation, de changement de chaudière et même pour le calorifugeage des tuyaux d’eau chaude, qu’il ne faut pas négliger. Pour cela, il suffit de soumettre le devis avant acceptation à un ou des « obligés » de son choix, qui sont souvent des fournisseurs d’énergie.
Pour compléter, car en dehors de ce marché de compensation, il existe pour les ménages modestes et très modestes, une nouvelle aide depuis le 1er janvier sous forme de prime remplaçant le CITE (Crédit d’Impôt à la Transition Energétique) : MaPrimeRénov’ . Cette prime est fonction des ressources du foyer et des économies d’énergies générées par les travaux réalisés, et non par leur coût, ce qui est plus pertinent et, espérons-le, limitera les devis surestimés. Des CEE peuvent être cumulés à cette prime. Après bien des tergiversations en fin d’année, les autres ménages peuvent finalement encore bénéficier du CITE en 2020, mais dans une moindre mesure avec la même approche que pour MaPrimeRénov’. Plus les revenus seront importants, plus cette prime sera faible, voire insignifiante et dans ce cas, les CEE constituent une voie à privilégier.
Enfin, il y a aussi la possibilité pour tous les foyers d’obtenir une prime supplémentaire avec le Coup de pouce économies d’énergie, cumulable avec le CITE et MaPrimeRénov’, mais pas avec les CEE !
Chaque année, ces aides aux travaux d’économie d’énergie changent au niveau des critères d’éligibilité, voire de noms aussi. C’est trop compliqué et il y a de quoi rebuter les plus réfractaires aux démarches administratives, alors qu’il y a une réelle nécessité d’améliorer le parc immobilier pour réduire leurs impacts sur l’environnement. Il vaut mieux bien se renseigner avant de se lancer, car les démarchages proposant des solutions pour 1 € ne sont pas toujours vertueux.
Le marché volontaire permet de financer des projets de reboisement en France, mais pas seulement…
C’est une démarche volontaire de la part des entreprises, voire des particuliers, souhaitant réellement réduire leurs impacts avec des actions concrètes, par conviction ou par souhait d’améliorer l’image de l’entreprise vis-à-vis des investisseurs et des clients. De plus en plus d’acteurs français, qui peuvent être des associations, proposent de soutenir des projets consistant surtout à planter des arbres en France et ailleurs. Cependant, en tant que contributeurs, il est important de s’assurer que ces plantations sont composées de différentes essences (pas de monoculture !), qu’elles sont adaptées au climat de la région et sont « élevées » pendant au moins 3 ans pour assurer leur pérennité et donc leur rôle de stockage du carbone issu du gaz carbonique de l’air, pendant plusieurs décennies.
Mais il y a un autre secteur qui mérite de bénéficier de ce mode de compensation et du label Bas Carbone national promulgué fin 2018, c’est la rénovation thermique des bâtiments énergivores avec des matériaux biosourcés contenant du bois, du chanvre, du lin, de la paille de céréales ou autres fibres végétales. C’est un nouveau marché à développer et qui peut être local, donc visible et il y a fort à faire pour rénover notre parc immobilier existant ! Cette utilisation du bois permet de faire perdurer dans le temps ce carbone stocké patiemment. Ne vaut-il pas mieux utiliser cette matière noble pour l’isolation, le bardage voire pour la structure, plutôt que de la brûler pour se chauffer, ce qui remet ce carbone dans l’atmosphère ?